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Licenciement disciplinaire

Faute grave : l'employeur n'a ni forcément à se presser d'agir, ni à mettre à pied le salarié

La mise à pied conservatoire est une précaution procédurale lorsque l’employeur envisage un licenciement pour faute grave. Sa mise en œuvre assied la gravité des faits reprochés au salarié. Pour autant, aucun texte n'oblige l'employeur à procéder à une mise à pied conservatoire avant d'engager une procédure de licenciement pour faute grave. Par ailleurs, si le salarié est absent de l’entreprise, car en arrêt de travail, l’engagement tardif de la procédure disciplinaire n’empêche pas l’employeur d’invoquer la faute grave.

Faute grave du salarié : ce qu’elle implique en termes de procédure

Dès lors qu’un employeur a connaissance d’un fait fautif d’un salarié, s’il souhaite invoquer une faute grave, il lui faut déclencher la procédure de licenciement disciplinaire sans tarder. En effet, on parle de faute grave face à une faute qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

L’employeur dispose d’un délai de 2 mois pour engager la procédure disciplinaire (par l’envoi de la convocation à l’entretien préalable à la sanction) à compter du jour où il a eu connaissance du fait fautif (c. trav. art. L. 1332-4 ; cass. soc. 7 novembre 2006, n° 04-47683, BC V n° 325). Mais, en cas de faute grave, les juges exigent de l'employeur qu’il engage la procédure de licenciement dans un « délai restreint » après avoir été informé des faits allégués dès lors qu’aucune vérification n’est nécessaire (cass. soc. 6 octobre 2010, n° 09-41294, BC V n° 214 ; cass. soc. 22 janvier 2020, n° 18-18530 D).

Si l’employeur tarde à agir, les juges peuvent remettre en cause la gravité réelle des faits reprochés et l’employeur prend le risque de voir invalider un licenciement pour faute grave. Ici, les juges avaient estimé que le fait de laisser le salarié travailler pendant 1 mois après la connaissance des faits fautifs était incompatible avec l’allégation d’une faute grave (cass. soc. 17 mars 2010, n° 08-45103 D).

Par ailleurs, étant donné qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, la faute grave peut justifier la mise à pied conservatoire du salarié le temps de la procédure disciplinaire (cass. soc. 27 septembre 2007, n° 06-43867, BC V n° 146).

L’affaire : engagement de la procédure disciplinaire près d’un mois après les faits fautifs et sans mise à pied conservatoire

Un salarié avait été convoqué par lettre du 19 juin 2015 à un entretien préalable à une mesure disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement, après que l’employeur a été informé de certains faits fautifs le 22 mai 2015. L’employeur n’avait pas prononcé de mise à pied conservatoire à l’encontre du salarié et, après saisine du conseil de discipline, le salarié a finalement été licencié pour faute grave le 15 septembre 2015.

À noter que durant cette procédure, le salarié avait été en arrêt de travail du 26 mai au 31 juillet 2015.

Le salarié a contesté son licenciement et la cour d’appel a écarté le licenciement pour faute grave au profit d’un licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Elle a reproché à l’employeur d’avoir tardé à mettre en œuvre la procédure disciplinaire en n'engageant celle-ci que le 19 juin 2015, soit près d'un mois après les faits fautifs dont il avait la connaissance dès le 22 mai 2015.

Elle lui a également reproché de n’avoir pas prononcé de mise à pied conservatoire, de sorte que pour la cour, les faits fautifs ne rendaient pas impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

L’employeur a contesté cette décision auprès de la Cour de cassation.

L’absence du salarié peut justifier un délai dans l’engagement de la procédure disciplinaire

La Cour de cassation donne raison à l’employeur et censure l’arrêt de la cour d’appel.

Si, en principe, l’employeur ne doit pas tarder à engager la procédure disciplinaire face à une faute grave, la Cour de cassation avait déjà admis qu’il justifie avoir pris un certain temps, notamment en raison de l'absence du salarié de l'entreprise, lorsque son contrat de travail est suspendu, par exemple pour arrêt maladie (cass. soc. 9 mars 2022, n° 20-20872 FB).

La Cour de cassation réaffirme ce principe dans son arrêt du 7 décembre 2022.

Elle considère que la faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, le fait pour l'employeur de laisser s'écouler un délai entre la révélation des faits et l'engagement de la procédure de licenciement ne peut avoir pour effet de retirer à la faute son caractère de gravité, dès lors que le salarié, dont le contrat de travail est suspendu, est absent de l'entreprise.

Or, en l’espèce, le salarié avait été en arrêt de travail quelques jours après la découverte des faits fautifs.

Le licenciement pour faute grave n’implique pas obligatoirement une mise à pied conservatoire

La Cour de cassation rappelle également qu'aucun texte n'oblige l'employeur à procéder à une mise à pied conservatoire avant d'engager une procédure de licenciement pour faute grave.

Elle avait déjà rendu plusieurs décisions en ce sens (cass. soc. 9 février 2022, n° 20-17140 D).

La mise à pied conservatoire d’un salarié soupçonné d’avoir commis une faute grave est une mesure facultative.

Cass. soc. 7 décembre 2022, n° 21-14484 FD